Ombres Croisées [Photographies (Faten Safieddine/Othman Zine)]
11ème Festival du Monde Arabe. Montréal
Octobre - Novembre 2010

Faten SAFIEDDINE et Othman ZINE ont en commun d’être fasciné par la pénombre. Le monde semble n’exister pour eux que le soir, lorsque le crépuscule nourrit les ombres, les fait croître et s’allonger, courir au ras du sol, se diffracter sur les murs. A cette heure indécise, l’envers des choses apparaît, les objets perdent leur consistance, la démultiplication des reflets induit des illusions optiques et une interrogation permanente sur ce que nous voyons. Que sont ces figures ? Que voit-on là ? Plusieurs interprétations s’offrent à nous. Un même contour enferme plusieurs choses. Le doute toujours règne : formes irrésolues, images intriquées. Que décider ?  Que suivre ? Nous voici face à une rumeur qui se nourrit de ses propres échos. L’art de Faten SAFIEDDINE et Othman ZINE est un art de l’hypothèse.

Au fond, comment peut-on être photographe ? Voilà la question qu’ils posent. Car il faut faire un effort immense pour débarrasser l’image de ce qu’elle charrie de réel et faire œuvre de création. Le monde est empli de miroirs. Est-il besoin qu’on nous en tende d’autres ? Photographier n’a de sens que si le reflet du monde qui nous est présenté absorbe en lui tout l’univers personnel du photographe. Chez Faten SAFIEDDINE comme chez Othman ZINE, tout est dédoublement, fractionnement, ambiguïté. Plaçant le monde sous la lumière, ils le rendent obscur et nous ne cessons de le questionner. Car nous sommes ainsi faits qu’il nous faut du solide là ou règne l’évanescent. Or nous sommes ici suspendus devant l’indéfinissable.
Nous pouvons craindre de nous perdre devant les démultiplications de reflets que ces photographies nous  renvoient et  refuser de nous y laisser prendre. Mais nous pouvons aussi percevoir l’écho de notre propre pluralité, les miroitements de nos mondes internes, nous sentir conviés à approfondir leur mystère intime et, acceptant de nous défaire de nos certitudes, passer le seuil de l’ombre.

Ainsi, progressivement nous sentons-nous inclus avec ces photographes dans une même communauté d’intérêts, communauté réduite aux aguets, pourrait-on dire en jouant des mots pour mieux tenter de rendre évident qu’ils nous confrontent à nos propres ténèbres, à la résolution de notre propre énigme. 

Ombres Croisées